C’est l’une des rares fois où le public l’a vue verser une larme. A Portsmouth, ce 11 décembre 1997, Elizabeth II n’a pas réussi à contenir son émotion lors des adieux à son cher Britannia, ce royal yacht de 127 mètres de long, qu’elle avait baptisé en 1953. L’aménagement avait été supervisé par la souveraine et son époux, le prince Philippe. Elle adorait séjourner, aux quatre coins du globe, sur ce palais flottant, et a reçu, à son bord, une kyrielle de chefs d’Etats – Bill Clinton y a même passé une nuit en 1994. Mais voilà, son entretien coûtait de plus en plus cher au contribuable. Au grand regret de la reine, le gouvernement de John Major a ordonné son désarmement – c’est aujourd’hui une attraction touristique sur le port d’Edimbourg. Tony Blair a ensuite écarté l’idée d’un remplaçant, à l’heure des voyages en avion.
Boris Johnson est, lui, décidé à faire machine arrière. Il a annoncé le 30 mai que le Britannia aura bien un successeur, qui entrera en service dans quatre ans. Ce navire reflétera « le statut naissant du Royaume-Uni en tant que grande nation commerciale maritime indépendante ». Un symbole d’une Grande-Bretagne prenant le large, après le Brexit. « L’Empire britannique s’est bâti sur les mers, Johnson joue de ce passé, observe Georgina Wright, chercheuse à l’Institut Montaigne. Mais il va devoir répondre aux questions du Parlement sur le rôle, encore flou, de ce bateau. »
« Une perte de temps totale »
En pleine crise économique, l’opposition ne devrait pas se gêner pour canonner ce projet estimé à 230 millions d’euros. Kenneth Clarke, l’ancien chancelier de John Major, l’a déjà décrit comme « une perte de temps totale, une idiotie populiste sans queue ni tête », doutant, au passage, « qu’envoyer des yachts et des porte-avions dans le monde entier montre quelle grande puissance nous sommes ».
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D’autres écueils pointent à l’horizon. La construction pourrait se faire à l’étranger, alors que le Premier ministre souhaite qu’une entreprise britannique s’en charge. Mais le traité sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce, signé par Londres en octobre, soumet de telles commandes à un appel d’offres mondial. Afin de contourner le problème, « BoJo » compte obtenir le statut de « bâtiment de guerre » pour « étendard national », dont l’objectif semble pourtant commercial et diplomatique. Autre souci : l’absence d’enthousiasme de Buckingham. Le locataire du 10 Downing Street espérait donner au futur navire le nom du prince Philip, décédé en avril. Mais, selon The Times, la famille royale s’y oppose et ne compte d’ailleurs pas en faire un usage personnel. Pas sûr, donc, qu’un monarque verse un jour une larme pour ce successeur déjà mal embarqué.
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